Manger sain à tout prix : la nouvelle obsession alimentaire

Par Anne-Sophie O | Mis à jour le 23/08/2021 à 11:41
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Les Français sont de plus en plus nombreux à céder à la mode du manger « sans » : que ce soit sans gras, sans sucre, sans viande, sans gluten, sans lactose, ils sont nombreux à avoir décidé de se passer de quelque chose dans leur alimentation afin de manger plus sainement, dans le respect de leurs croyances alimentaires.. Or, ces nouvelles pratiques alimentaires virent trop souvent à l'obsession et le plaisir de manger n'existe alors plus...

L'orthorexie : quand manger sain devient malsain

Les personnes orthorexiques rejettent généralement des aliments qu’elles ont autrefois adoré (souvent avec excès) parce qu’elles les considèrent désormais comme « non sains » voire comme de véritables poisons.

Cela concerne la plupart du temps les mauvaises graisses, les sauces, les produits sucrés, les céréales raffinées, les produits riches en sel, les aliments industriels contenant des produits chimiques comme des additifs, des colorants et autres conservateurs, les aliments traités aux pesticides...

Plus récemment encore, cette nouvelle obsession alimentaire pousse de nombreux Français à se déclarer allergiques ou plutôt « intolérants », sans justification médicale, au gluten, au lactose, à la viande... Il ne s’agit là en réalité que d’exigences alimentaires fixées à soi-même, souvent poussées par la mode.

Beaucoup de Français choisissent le mode de vie végétarien et/ou végétalien pour des raisons d’éthique, face aux conditions d’élevage des animaux trop souvent "borderline".

Si les raisons de ce nouveau choix alimentaire paraissent bonnes au premier abord, beaucoup de personnes tombent dans l’excès de vouloir manger sain à tout prix, au point où le corps médical considère désormais l’orthorexie, à savoir l’obsession de manger sain, comme une maladie, un trouble alimentaire au même titre que l’anorexie ou la boulimie.

Suis-je orthorexique ?

Attention, ce n’est pas parce que vous prêtez une attention particulière à ce que vous mangez, ou que vous mangez la plupart du temps équilibré, que vous êtes orthorexique. Étant une maladie désormais reconnue, il y a des signes avant-coureurs, des symptômes. Le docteur Steven Bratman, qui a mis sur le devant de la scène cette « obsession de l’alimentation saine » retient 10 critères (pour ne pas dire commandements) afin de définir si quelqu’un est orthorexique ou non :

  • Consacrer plus de 3 heures par jour à se préoccuper de son alimentation.
  • Prévoir ses repas de la veille pour le lendemain.
  • Attacher plus d’importance aux vertus présumées des aliments qu’à leur palatabilité (le fait que leur texture soit agréable au palais).
  • Une réduction sensible de la qualité de vie en lien avec le respect du régime.
  • Une exigence personnelle toujours plus grande dans le domaine.
  • Une tendance à l’ascétisme (la perfection) qui se traduit par le fait de préférer manger sain plutôt que de satisfaire ses envies.
  • Un sentiment d’autosatisfaction quand on parvient à suivre les règles diététiques que l’on s’est fixées.
  • Une culpabilité intense si on déroge aux règles.
  • Un isolement social induit par ses habitudes alimentaires.
  • Un sentiment rassurant de contrôle quand on parvient à suivre parfaitement les règles alimentaires fixées.

Toutes ses habitudes sont motivées par le souci de manger des bonnes choses pour la santé et de supprimer tous les aliments malsains de son alimentation, dans le but, très souvent, de perdre du poids et/ou de s’affiner afin d’avoir une silhouette svelte avant l’arrivée fatidique du maillot de bain. Lorsqu’on lit bien tous les symptômes, on remarque qu’ils peuvent être valables pour beaucoup d’autres troubles alimentaires, comme l’anorexie ou la boulimie... Preuve encore que l’orthorexie est une malade à prendre au sérieux.

Un impact sur la vie sociale sans équivoque

Qu’on se le dise les personnes qui font « trop » attention à ce qu’elles mangent, au point de passer toutes les étiquettes des aliments au crible avant de les ingérer, ne peuvent pas avoir une vie sociale comme les autres. En effet, lorsqu’elles sont invitées à manger dans la famille ou les amis, c’est un véritable moment de stress : soit elles imposent leur choix alimentaire (« Je ne mange ni viande, ni produits laitiers, ni... ni... ni... ») et les hôtes décident de s’y adapter, soit elles se trouvent une excuse pour ne pas être présentes le jour J. Et, à force de rendez-vous ratés, on finit par ne plus les inviter...

L’orthorexie rend associable et isole les personnes qui en sont touchées, qui s’enferment un peu plus dans leur bulle. Aussi, le respect de leur régime est si contraignant que lorsqu’elles sont encore invitées à manger en dehors, elles n’hésitent pas un instant à se poser en donneuses de leçons et se sentent supérieures face à ceux qui n’ont pas la même volonté qu’elles.

« Quelqu’un qui passe ses journées à manger du tofu et des biscuits au quinoa se sent parfois aussi méritant que s’il avait consacré sa vie à aider les sans-abri », écrit même le Dr Bratman. Une raison supplémentaire qui peut rendre l’orthorexique asocial aux yeux de ses proches...

Mais ce n’est pas tout, quand l’orthorexique est mère ou père de famille, il emmène généralement toute sa famille dans son obsession alimentaire puisqu’il devient de ce fait « chef de cuisine » et cuisine tout en fonction de ses croyances alimentaires. En effet, généralement, quand une mère de famille décide, par exemple, de manger sans gluten, elle impose ce choix (qu’elle pense être le meilleur) au reste de la famille. Et, quand il s’agit d’expliquer ce qui la pousse à penser que manger sans gluten est meilleur pour la santé, les raisons pleuvent : « Mon fils n’a plus aucune allergie depuis que j’ai retiré le gluten de son alimentation », etc.

Or, il faut savoir qu’imposer ce mode alimentaire draconien peut être dangereux : en effet, ne jamais autoriser un bonbon, des biscuits ou des chips et diaboliser certains types d’aliments risque, sur le long terme, de favoriser de futurs dérapages alimentaires chez les enfants. L’anorexie et la boulimie ne sont jamais très loin de l’orthorexie, ne l’oubliez pas.

Attention, il n’est pas question ici des personnes qui mangent « sans » par souci de santé, comme les intolérants au lactose ou au gluten, par exemple, qui n’ont pas d’autre choix que de les supprimer de leur alimentation, alors qu’ils aimeraient, peut-être, continuer à en consommer.

Une mode qui ravit la grande distribution

Face à tant d’intérêt de la part des Français, les rayons bio dans nos grandes surfaces sont de plus en plus nombreux et prennent de plus en plus de place. D’ailleurs, il n’est pas rare que les rayons bio ou sans gluten soient stratégiquement bien placés dans le magasin, à un endroit où le passage est nombreux. Preuve que ce qui a longtemps été réservé à une élite - à savoir le bio - s’est fortement généralisé et concerne aujourd’hui tout le monde.

Mais la grande distribution n’est pas la seule gagnante. En effet, les petits magasins et épiceries bio n’ont jamais été aussi nombreux que ces dernières années. Et, lorsque l’on se promène dans les rayons de ce type de magasins, les prix affichés ne sont pas donnés.

Par exemple, pour un pot de 200 g de purée de châtaigne, il vous faudra débourser 7,50 €, plus de 3 € pour un paquet de 500 g de protéines de soja texturées, 21 € pour de la spiruline en poudre... Face à ce revirement d’intérêt pour les produits bio dits sains, les prix sont montés en flèche...

Mais cela ne semble pas empêcher les Français de consommer ces produits, puisqu’ils sont tout de même, aujourd’hui, plus de 6 Français sur 10 à consommer bio régulièrement.

Aussi, manger bien est une bonne chose, mais s’imposer trop de limites à soi et à sa famille peut conduire à des dérives alimentaires ... Il est donc important de savoir faire la part des choses en apprenant à bien manger tout simplement. Les dernières règles nutritionnelles souhaitées par le gouvernement, comme le code couleur pour désigner les bons ingrédients des mauvais ou encore le système de la viande étoilée, n’aident pas à limiter ce genre d’obsessions alimentaires, bien au contraire.

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